Itinéraire d’un jeune homme
Il faut se faire attentif et se mettre à la place de l’autre pour être heureux à deux. C’est ce qu’entreprend Woody et, dans le mimétisme, il y va même un peu fort. Mais le bonheur en passe par là, et il faut bien dire que le garçon part de loin. Dans ce livre d’aventures intraconjugales, empreint de suspense et de conneries de fin de jeunesse, l’auteur ne cesse de distiller des conseils et de suggérer des expériences auxquelles on ne pense pas forcément quand on veut avancer. C’est bien vu, bien écrit, et très souvent enseignant et drôle à en sourire et rire.
EXTRAIT en mode vengeance
Nouvelle soirée de fête, le lendemain, dans cette guinguette que nous avons tant aimée. Mais cette fois c’est une autre histoire. Bis repetita pour les moments de bonheur éprouvés hier avec Dana, rehaussés ce soir par une ambiance plus festive. Même orchestre pêchu. Même nombreuse assistance. Mais des gens différents, et comme de la fièvre dans l’air. Vers la mi-soirée, une chevelure flamboyante émerge des danseurs et vient onduler à proximité. Forcément, j’ai le regard qui déborde un peu ; par curiosité. Un sourire finit par m’échapper, parce que je ne suis pas un sauvage tout de même ! Elle insiste. Me reste la solution de couper court, soit en faisant la gueule à la ‘Chevelure flamboyante’, soit en fuyant aux toilettes – d’autant que j’en ai envie – le temps de me faire oublier. Je m’éclipse en glissant un mot à l’oreille de Dana et en baisant ses lèvres pincées. Aux lavabos, je me rafraîchis le visage, les idées, je fais la vidange, me lave les mains. Je me souris dans le miroir et me décoche un semblant de coup de poing complice sur le menton, avant de regagner la salle de danse, ragaillardi. C’est alors que… QU’EST-CE QUE JE VOIS ? Un type, genre dragueur professionnel, en blaser bleu marine, cravate de soie, le cheveu lisse, l’œil porcin, la bouche emballeuse, gourmette au poignet et bagues aux doigts, qui danse un slow serré avec Dana, en la tenant par la taille d’une main, cuisse glissée dans son enjambure de robe, et l’autre main en l’air tenant un drink. La colère me prend. Soit il boit un verre ! Soit il danse avec Dana ! Pas les deux. Je fends la foule et lui tapote sur l’épaule pour signifier ma présence. Le type se détourne, pose un œil condescendant sur ma personne, regarde Dana et lui demande :
– Qui c’est ?
Dana dit :
– Sais pas.
EXTRAIT en mode tristesse
[Maman, veuve, résidente d’une maison de retraite pour artistes]
C’est ainsi qu’aujourd’hui elle coule ici de douloureux doux jours. J’ai vraiment envie de pleurer. Et d’ailleurs maman, elle aussi est proche des larmes alors qu’elle nous termine son histoire avec papa de sa voix cassée par l’émotion, l’alcool et la cigarette. Ses mots se bousculent hors de sa bouche dans un ordre plus tout à fait logique. Son vocabulaire a des ratés, ses yeux luisent, ses paupières descendent de plus en plus à mi-yeux comme celles d’un caméléon, elle fatigue terriblement, elle est à moitié ivre. Dana et moi l’aidons à regagner sa chambre. ‘Bonne nuit maman, je t’aime !’ ne lui dis-je pas.